Qui aurait pu penser qu’un jour ce souci de tenue appropriée puisse devenir un débat de société virulent concernant l’espace scolaire ? Comment évaluer si une tenue peut être ou non adaptée pour l’espace d’apprentissage que représente l’école à tous ses degrés ? Dans les faits, chez les plus jeunes, le problème ne semble pas se poser, hormis peut-être quelques signes distinctifs de classe ou communautaires trop criants. Pour les adolescents, les questions vestimentaires sont très sensibles.

Qui n’a jamais affronté ce dilemme : Quelle tenue choisir pour une circonstance X ? Mariage, baptême, cérémonie funèbre, entretien professionnel, repas d’entreprise, rencontre amoureuse, sortie sportive…. Adopter le bon « dress code » peut être un facteur de bien être personnel selon les évènements auxquels on va participer.

Signes de reconnaissance

tenue appropriée

L’habit ne fait pas le moine dit-on. Cependant cela suggère fortement la possibilité qu’il en soit un. Et bien, en gros, cela fonctionne ainsi chez les adolescents. Le look comme signe ou comme signature. Pour se reconnaître, se conformer ou alors se distinguer, voire s’opposer. Vous souvenez-vous de mai 68 et des premiers cheveux longs chez les garçons ? Des pattes d’éléphants ? Des fleurs dans les cheveux ? Et encore avant, les Yéyés et les zazous dans la jeunesse d’après guerre ? Sur ce plan, rien de nouveau sous le soleil, la jeune génération n’a rien inventé.

Critères discriminatoires ?

Dans les débats actuels au sujet des tenues « républicaines » ou « adaptées » pour aller à l’école, un vent de sexisme est dénoncé. Seules les filles seraient touchées, ou tellement plus souvent que les garçons que c’en deviendrait humiliant. Comment comprendre cette accusation contre l’institution publique et laïque ? Et surtout comment situer cette polémique ? Seule l’institution scolaire est-elle touchée ou la société elle-même montre-t-elle des signes de jugement face à certaines tenues ?

Là, je crois, est la vraie question. Dans nos sociétés occidentales, les femmes et les hommes ont-ils le droit de se vêtir comme ils le désirent ? En principe oui, sauf atteinte aux bonnes mœurs. Voilà. En clair : les naturistes ne peuvent déambuler nus dans l’espace publique, sauf lieux spécialement dédiés. L’exhibitionnisme est interdit, le voyeurisme aussi.

Ensuite, les limites et les normes sont variables, mais en général plus le lieu publique est affecté à une ou des activités particulières, plus les codes vestimentaires se précisent :

  • lieux de culte
  • hôpitaux et lieux de soins
  • cadres professionnels (ateliers, bureaux, chantiers, etc.)
  • écoles…. ?

Droits et choix

Dans l’idéal, l’éducation des uns et des autres, le bons sens et le respect des libertés individuelles devraient permettre la liberté des choix vestimentaires à tous, sans distinction d’âge, de race, de classe ou de sexe. Dans la réalité des multitudes de codes existent et sont appliqués. Personne ne se rend au bureau en maillot de bain ou sur un chantier en smoking. Ce n’est pas interdit, mais cela ne nous viendrait pas à l’idée.

Revendiquer qu’une adolescente puisse fréquenter l’école dans une tenue partiellement dénudée au nom des droits des femmes me laisse perplexe, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, la mode n’est pas neutre, c’est un business qui joue sur l’image de la femme pour faire acheter. Il y a encore quelques dizaines d’années, le pantalon était interdit aux femmes car suggérant leurs jambes. De nos jours, ce sont les jupes qui sont mal vues pour les mêmes raisons. S’habiller selon ses choix et ses goûts, c’est une liberté, suivre aveuglément les diktats de la mode, c’est plutôt une aliénation.

Ensuite, les adolescentes et les jeunes filles ne sont pas encore complètement en mesure d’évaluer leur attractivité physique, elles découvrent ce corps qui change et ce que leurs charmes peuvent susciter. Elles apprennent, elles testent, elles essaient et c’est bien normal. Lorsqu’elles évoluent dans un milieu familial et social suffisamment protecteur, elles peuvent traverser cette étape en sécurité et découvrir leur féminité à leur rythme et en construisant leurs limites et leur volonté. Les laisser se sur exposer peut avoir des conséquences négatives tant sur leur estime d’elles mêmes que sur leur capacité à mesurer leur valeur et leurs choix. Demander une certaine neutralité vestimentaire dans le milieu scolaire est une mesure qui me semble normale pour protéger cet espace dédié aux apprentissages et celles et ceux qui le fréquentent.

Les jeunes hommes aussi doivent apprendre, eux aussi vivent une période de changements et d’éveil de leur sens. Une éducation favorisant le respect de tout un chacun les aidera à prendre confiance en eux et à ne pas céder à leurs pulsions sans self-contrôle. A mon sens l’éducation ET l’école jouent un rôle déterminant pour favoriser des relations sociales harmonieuses et égalitaires.

Enfin, et à mon avis il s’agit d’ une régression qui porte gravement atteinte à nos droits et fausse le débat : la montée en puissance dans nos société occidentales des communautarismes, notamment islamistes. En véhiculant l’image d’une femme très couverte en signe de vertu, cela stigmatise toutes les femmes et évoque « une distinction » entre celles qui seraient faciles ou non. Les sociétés occidentales ne sont pas parfaites en matière d’égalité mais ces codes, qui n’appartiennent pas à nos références culturelles, favorisent des réactions exacerbées qui amènent une ambiance délétère, malsaine et insécuritaire. J’en ai parlé déjà dans cet article Parole de femme . Cela fragilise le principe d’égalité, durement conquis.

Les féministes, comme tous ceux et celles qui sont attachés aux droits humains, démocratiques et aux libertés individuelles doivent être vigilants à protéger les plus jeunes, les plus vulnérables et combattre les discriminations là où elles s’insinuent et se renforcent. Lutter pour aller à l’école en tenue sexy ou négligée, est-ce utile ?

se libérer