A l’occasion de la vente de la maison de nos parents, décédés depuis plusieurs années déjà, je me suis sentie submergée par mes souvenirs. Cette impression d’envahissement émotionnel m’a déstabilisée, d’autant plus que je constatais cette « déferlante » aussi puissante pour mes enfants.

Pourtant, je n’aimais pas particulièrement cette maison. Ma famille s’y est installée quand j’avais 10 ans, à la suite de mes grands-parent paternels, partis s’installer à la campagne. Ils y ont laissé leur empreinte et mes parents n’ont pratiquement rien changé à la déco. Je n’ai jamais vraiment su pourquoi, mais cela semblait interdit. Il faut bien reconnaître que dans ma famille, comme dans beaucoup d’autres, bien des sujets restaient au niveau du non-dit ou pire encore du secret.C’est peu dire que les relations inter générationnelles étaient tendues et je pense que c’est à cause de ces tensions que je ne suis jamais senti bien dans cette maison d’enfance.

J’appréciais sa proximité du lac, la vue qu’on y a sur cette étendue d’eau qui nous offre tous les jours un spectacle différent. Ses espaces extérieurs invitant aux moments conviviaux et surtout un petit espace, sur un balcon, où nous nous installions avec mon père, tout contre la maison, pour contempler les orages sur le lac et ainsi apprivoiser la peur que cela nous inspirait. A relire : Surmonter sa peur

éclaircie sur le léman
éclaircie sur le Léman

Un port d’attache

Partie très jeune, j’ai un peu vécu ailleurs, même à l’autre bout du monde avant de revenir fonder ma propre famille dans la région, et, finalement, nous nous sommes installés au village. C’était agréable de vivre près de chez mes parents, non seulement pour des raisons pratiques mais aussi parce que nos liens étaient devenus très tendres.

Mes enfants ont eu la chance de pouvoir bien les connaître et profiter de leur présence, de leur affection et de leur attention. Ma maison d’enfance est devenue leur deuxième maison, ils allaient chez leurs grands parents très souvent et on tissé à leur tour avec eux des liens forts. Ils ont aussi planté de solides racines dans ce petit coin, cultivé leurs amitiés d’enfance, nos relations de voisinage et profité de ces lieux privilégiés.

Dire au revoir

Lorsque mon père est décédé, ma mère n’a pas pu rester seule dans cette grande maison et après avoir résidé chez ses filles, elle a décidé d’entrer en maison de retraite jusqu’à son décès, il y a déjà bientôt 7 ans. La maison n’a plus été habitée régulièrement depuis une quinzaine d’années et pour des histoires de famille, je n’y pas pu y retourner. Je passais devant tous les jours puisque j’habite tout près, mais je n’y avais plus accès, ni mes enfants non plus, pendant longtemps.

Le dénouement de ces histoires pénibles se termine par la vente de cette maison et nous avons pu alors disposer de quelques jours pour y revenir, ce qui nous a tous bouleversés. Nous pensions avoir tourné la page, nous pensions que notre deuil de mes parents était achevé, nous pensions avoir surmonté ce chagrin et être en paix avec nos souvenirs….

Mais voilà, retrouver ces lieux restés en sommeil depuis si longtemps a ravivé de tristes émotions, et aussi, je pense, une phase empêchée de notre deuil, puisque les gestes symboliques (trier, vider, évacuer….) n’avaient pas été faits. Tout était resté comme « sur pause », comme s’ils allaient encore revenir…

Serait-ce le berceau de la nostalgie ? Ces étapes interrompues, inachevées, bousculées par des conflits ?

Ce qui très vite m’apaise, et, je l’espère mes « grands » enfants aussi, c’est d’avoir vécu pleinement avec mes parents le temps de leurs vies. D’avoir été présente lorsqu’ils avaient besoin de moi. D’avoir offert mon aide et mon appui dans leur vieillesse et puis dans la dépendance de ma mère. J’ai fait de mon mieux, leurs petits enfants aussi.

Maintenant, enfin, nous pouvons leur dire au revoir.

automne, le blues