L’éducation, mon domaine d’activité depuis longtemps, constitue le premier terreau des inégalités de genre et comme l’écrivait Simone de Beauvoir, « on ne naît pas femme, on le devient. »

Les inégalités sont encore nombreuses, malgré les progrès bien tangibles réalisés dans nos sociétés occidentales, et je suis frappée par la position de la « justice » dans le domaine le plus grave de ces atteintes aux droits fondamentaux des femmes, soit celui de la violence et du viol.

Oser dire

Depuis quelques temps, des femmes, célèbres ou non, ont osé révéler  publiquement des atteintes, sexuelles ou violentes ou les deux, qu’elles ont subies dans leur vie privée. Certaines enfants déjà, d’autres à l’âge adulte. Certaines souvent, d’autres pas. Certaines par un proche, un conjoint,  un ami de la famille, d’autres par des supérieurs hiérarchiques, par des maîtres à penser ou d’enseignement, d’autres encore par des inconnus. Certaines ont saisi la justice, certaines n’en n’ont pas eu le temps, d’autres ont renoncé, par peur, par honte ou peut-être en pressentant que cela se retournerait contre elles….. Car, et c’est bien là que le bât blesse, cela est trop souvent le cas! Et de victime, vous devenez suspecte.

Il faut du courage pour parler, mais la parole des femmes compte peu et bien souvent on considère que :

Soit elles l’ont cherché, soit elles l’ont inventé, soit elles le voulaient bien !

Faudrait-il alors comprendre que le viol, cette machine de guerre vieille comme le monde, n’existe pas ?

Le bastion ultime du patriarcat

Dans les sociétés occidentales, dites évoluées, et où les femmes ont lentement et péniblement acquis certains droits, encore fragiles et  souvent remis en question, le viol semble incarner une sorte de vestige « intouchable » du patriarcat, ce fondement des civilisations anciennes, puis des religions monothéistes.

La justice traduit cet archaïsme et ne défend pas les victimes. Au contraire, elle les expose. A elles de prouver les faits. A elles de répondre aux questions, plus ou moins délicatement posées et qui touchent à l’intime, à elles de subir les investigations médicales  et judiciaires, à elles de répéter ces faits  mortifères et douloureux… Et pour finir, bien souvent, ne pas être crues.

Que n’entend-on pas sur ce sujet ? La victime portait un string, donc le viol ne peut être retenu, ou encore, elle est allée à une fête X jours après les faits, donc non, ces 5 hommes ne peuvent être coupables de viol en bande…. je pourrai allonger la liste en pensant au débat sur « l’âge de consentement » ou même sur la notion de consentement.

Sous couvert de présomption d’innocence, on relâche des suspects, ou on  condamne des auteurs à des peines ridiculement légères, on requalifie les actes, on blanchit, on minimise, Dans le fond, on méprise la personne et sa parole, on occulte sa souffrance.

Libres

Et pourtant, ici,  nous sommes nées libres et égales en droits. Nous ne sommes pas que des corps mais des personnes auxquelles, même la très conservatrice église catholique romaine a fini par reconnaître une âme, après bien des tergiversations, à la fin du moyen âge, si mes souvenirs sont bons.

Après une âme, les constitutions des pays modernes ont elles aussi entériné notre capacité de réflexion puisque nous pouvons enfin voter, ouvrir un compte en banque, hériter et transmettre notre patrimoine, ce n’est pas très ancien,mais enfin…., nous commençons à être, globalement humaine !

Certes, nous ne sommes plus vieilles à 30 ans, comme l’écrivait Balzac, mais « invisibles » dès 50 ou même un peu avant selon les opinions, généralement masculines, sur le sujet, mais les pressions restent vives pour que notre « enveloppe » demeure présentable, ou dirons nous…. désirable ? utilisable ?

Alors oui, mille fois oui, l’égalité des genres passe par l’éducation. Mais l’éducation implique l’exemple et nos sociétés ne sont pas exemplaires. Nous ne pouvons pas attendre qu’elles le deviennent par miracle, alors unissons nos forces pour continuer à promouvoir et protéger nos droits de personnes. Soyons féministes, sans avoir peur du mot ni des images caricaturales qu’il peut représenter, notre liberté n’est pas venue d’elle même et elle ne résistera pas aux crises sociales, économiques ou religieuses sans notre vigilance, comme le disait Simone de Beauvoir,  et aussi notre solidarité avec les personnes humiliées.

Notre parole compte et nous sommes la moitié du ciel !