La parole se libère enfin sur bien des sujets demeurés longtemps tabous. Après bien d’autres #, voici #monpostpartum. Autrement dit, un espace de témoignage au sujet des suites parfois douloureuses, physiquement et surtout moralement d’une naissance.

Je viens de lire qu’une doctorante en sociologie, Illana Weizmann, sort un essai : http://ceci est notre post-partum, défaire les mythes et les tabous pour s’émanciper (Marabout). Je trouve sa démarche intéressante. Elle mêle son analyse de chercheuse à son expérience de jeune mère et formule des propositions pour que notre société prenne en compte les difficultés bien réelles de certaines femmes après leur accouchement.

Boris Cyrulnik lui aussi, dans son dernier ouvrage paru chez Odile Jacob, http://des âmes et des saisons, évoque enfin le manque d’attention sociétale autour de ce moment de vie qui pourrait, selon son hypothèse, constituer notre ancrage premier dans une posture écologique de consommateurs responsables.

les premiers moments

Entre représentations et réalités

Une des représentations majeure autour de la maternité c’est qu’il s’agit d’un accomplissement personnel (féminin) heureux. Ce potentiel physiologique, auréolé d’instinct et d’amour inconditionnel, est en fait une étape délicate. Même si cette naissance est désirée, que les choses se sont bien déroulées et que tout le monde est en bonne santé, ce passage peut être vécu de manière difficile, et ce d’autant plus que les éventuels problèmes sont cachés derrière le mythe qui le présente exclusivement comme un moment de bonheur.

Les causes de malaise peuvent être multiples et ne sont encore que partiellement définies, elles reposent sur tris axes :

  • physiologiques (baisse hormonale, douleurs suite accouchement, allaitement délicat, fatigue, etc)
  • contextuelles, sociales (conditions matérielles, incertitudes, accompagnement, migration,etc)
  • psychologiques (souvenirs douloureux ou traumatiques, peurs, faible estime personnelle et de ses capacités, etc)

La grossesse et l’accouchement sont des moments particuliers dans une vie, pour la mère surtout, mais également pour celles et ceux qui l’entourent. Psychiquement, on peut comparer cette période aux turbulences de la période de l’adolescence. Beaucoup de choses se rejouent :

  • changement de rôle, de fille de ou femme de on évolue à mère de…. (idem versus masculin)
  • des souvenirs oubliés ou même effacés peuvent revenir au conscient
  • on explore aussi un domaine encore inconnu, même si on a déjà un ou plusieurs enfantS, car celui ou celle à venir est encore unE inconnuE.
  • Si c’est une première naissance, on va aussi explorer la mère qu’on va être : patiente ? compréhensive ? habile ? capable ? aimante ? bonne ?

Parfois, les représentations, les attentes, conscientes ou non, autour de l’enfant attendu ne correspondent pas à la réalité de l’enfant né : sexe, prématurité, apparence, ressemblances, tempérament….. Entre les espérances et la rencontre il peut y avoir décalage et un temps d’adaptation.

Contexte social et entourage

Même si la maternité est universelle, peut-être instinctive, les questions et les doutes qui l’entourent le sont aussi. Surtout dans nos sociétés occidentales très individualistes. Sans remonter trop loin dans l’histoire de nos sociétés, force est de constater que la place de l’individu a beaucoup évolué. Les rôles sociaux et genrés également. De patriarcale, multigénérationnelle et clanique, la famille s’est rétrécie autour du couple et de ses enfants, majoritairement deux, plus rarement trois et exceptionnellement davantage. Les séjours en maternité se sont raccourcis (rentabilité oblige), parfois remplacés, en ville, par des visites de puéricultrices ou de sage-femmes à domicile pour le suivi après la naissance. Même si les jeunes parents savaient plus ou moins à quoi s’attendre avant d’accueillir leur bébé, les surprises ne manqueront pas !

Soutien et entourage

Dans mon expérience professionnelle, j’ai constaté que la difficulté la plus souvent évoquée par les familles que j’ accompagnais dans ces moments, était un sentiment de solitude, voire d’isolement. Et aussi, pour un nombre d’entre eux équivalent, un sentiment d’envahissement et de discrédit.

J’ai déjà exprimé dans ce billet Grands-parents, à quel point j’estime que la bienveillance et la confiance sont les cadeaux de naissance indispensables de l’entourage, cette posture simple peut grandement faciliter les débuts de la parentalité.

L’adage le dit : « trop et trop eu gâchent tous les jeux »…. Rien n’empêche les coups de main discrets, les paroles rassurantes, les compliments, les encouragements…. même à distance on peut se montrer soutenant et concerné. La jeune sociologue que je citais propose, comme mesure préventive aux troubles du post-partum, que le co-parent puisse rester plus longuement auprès de sa compagne et du nourrisson et que la société favorise ces congés. C’est une bonne chose qui semble se mettre timidement en place et qui est déjà mieux ancrée dans les pays nordiques, les études démontrent d’ ailleurs que les symptômes du postpartum seraient plus discrets dans ces pays.

La famille, au sens élargi du terme, peut aussi contribuer au bien être de la nouvelle famille. La « nouvelle » mère dépense son énergie pour son enfant et son réseau primaire l’entoure elle.

Quand faut-il consulter ?

Comme je le disais plus haut, souvent le mal être du postpartum est caché. L’injonction sociale est puissante, les femmes préfèrent se taire et endurer, quitte à se sentir coupables et à se discréditer encore davantage. C’est là que le piège peut se refermer. Cette « omerta » rend difficile une évaluation exhaustive du nombre de personnes concernées.

Se sentir « anormale », triste alors qu’on devrait être heureuse, éprouver de l’ambivalence et ne pas être subjuguée par son bébé, se voir fatiguée et dépassée alors que les autres semblent si heureuses et bien gérer…. Il y a de quoi aller de plus en plus mal. Le pire ennemi dans cette situation, c’est le silence.

Là aussi, mettre des mots sur les maux est l’étape indispensable vers un mieux être, une restauration de son estime personnelle dans ce nouveau rôle et cette estime retrouvée va se transmettre au bébé, favorisant sa construction psychique harmonieuse.

Parler suffit-il ? Pas systématiquement, mais c’est l’étape indispensable. Si la mère ne peut pas le faire, un ou une proche, un professionnel de santé de proximité, ou même un ou une voisinE attentif doit oser s’immiscer et l’aider à accéder à de l’aide. C’est dans ce sens qu’il faut envisager l’aspect de responsabilité collective autour de cette période sensible.

En fait, cela nous concerne tous, qu’en pensez-vous ?