Autrefois privilège divin, le pardon s’envisage de nos jours comme une alternative à la rancune et/ou à la vengeance. Je ne sais pas s’il est possible de tout pardonner. Certaines malveillances, certains crimes, certaines blessures subis peuvent être irréparables, irrémédiables. Personne ne peut savoir comment il réagirait dans ces situations extrêmes.
Pendant toute ma carrière, j’ai travaillé avec des personnes qui ont été atteintes dans leur intégrité, soit physique, soit psychique, soit les deux. Lésées, parfois très gravement. Mon rôle se situe dans leur écoute, leur soutien et si possible leur réappropriation des capacités à vivre normalement en surmontant leur souffrance.
Très souvent, je me sens admirative de leur courage et de leur endurance. De leur persévérance. Parfois aussi, je me suis sentie impuissante à leur apporter l’aide dont ils avaient besoin. Jamais je n’ai ressenti qu’une évolution était impossible, quelle que soit leur situation.
le poison de la rancune
La capacité de dépasser un tort subi est d’abord un cadeau à soi-même. Comme c’est particulièrement difficile, certaines conditions sont nécessaires pour soutenir ce processus
- la reconnaissance sociale du tort subi (par exemple d’une injustice)
- la sanction judiciaire de ce qui est illégal (vol, viol, violence, inceste, etc.)
- la punition de l’auteur (en cas de malveillance par ex.)
- le crédit accordé à vos paroles (être cru)
- le soin accordé à la personne (sympathie, compensations, soins physiques et psychiques, etc)
- l’arrêt du tort, évidemment
- la sécurité physique et psychique
L’importance du contexte est déterminante, comme le facteur temps.
Ruminer est néfaste
C’est facile à dire ! lâcher sa rancune est un exercice souvent très difficile, aussi parce que l’ on peut se sentir coupable de ce qui est arrivé. D’avoir été naïf-ve et de s’être fait berner, d’avoir été au mauvais endroit au mauvais moment, d’avoir accepté l’inacceptable, de s’être tu-e ou au contraire d’avoir parlé….
Par exemple, je viens de lire dans un média que M. Ramadan, accusé de viol, avait publié un livre citant les noms de ses accusatrices et pourrait, éventuellement leur pardonner, au nom des principes de sa religion !! (que cette fois ci, il se déciderait à appliquer) Outre le ridicule de ce propos, on peut constater sans rire du tout, le retournement caricatural de cette sombre farce. A propos dece genre d’ incohérences vous pouvez relire mon articlehttps://www.senti-mots.com/parole-de-femme/
Hélas, ce n’est pas rare. Et pas seulement dans ce contexte nauséabond.
Même si toutes les occasions de pardonner ne sont pas aussi graves que dans les cas où la justice doit être saisie, fort heureusement, chacun d’entre nous a éprouvé une fois ou l’autre un sentiment d’injustice. Probablement aussi que chacun d’entre nous s’est montré injuste à une occasion ou une autre. En partant de cette introspection, il est plus aisé de laisser partir ses rancœurs et derrière soi, comme une coquille vide, sa rancune.
Hello Catherine, j’ai connu certaines situation où j’ai pardonné. Par contre je ne me sens pas prête à le faire pour d’autres, je sais que je devrais pour ma paix intérieure mais je n’y arrive pas. Certaines trahisons sont difficiles à avaler !
Bonne fin de week-end. Bises
C’est une question de temps, souvent. Et aussi la trahison ne s’avale pas, surtout pas, elle se recrache car elle ne t’appartient pas. Dépasser ses rancœurs ne signifie pas accepter d’être ou d’avoir été maltraité, se protéger est le premier pas, forcément.
C’est fréquent de se sentir coupable quand on a subi une injustice. Car je crois que le plus difficile c’est l’impuissance face à un agresseur qui nous enlève notre humanité ou notre dignité. Du moins pour un temps. Pardonner n’est pas excuser c’est se libérer de la haine de l’autre, de la rancoeur. Reprendre un statut d’acteur et non s’enfermer dans celui de victime. Un long chemin de reconstruction et de résilience. J’ajoute que le pardon est un processus qui ne se décrète pas mentalement mais qui surgit dans notre corps quand il reprend le goût de vivre. On s’aperçoit qu’on a pardonné. Merci pour ce bel article.
Oui Stéphanie, vous avez raison, c’est un processus, parfois long. C’est aussi un parti pris face aux contrariétés et tracasseries du quotidien, une manière de choisir de moins se laisser atteindre.
Bonjour Catherine
La rancoeur ne fait pas partie de ma vie et le plus souvent j’oublie le pourquoi je me suis « brouillée » avec quelqu’un quand les circonstances ne sont pas très graves . Il y a tellement de conflits importants dans ce monde sans y rajouter des rancunes futiles .
Cependant si on me blesse profondément ou si l’on vient à s’en prendre à mes enfants là ça devient irréversible. Je préfère alors rayer de ma vie ces personnes et les oublier plutôt que de ressasser . Il y va du bien être des deux partis je pense . Quel est votre avis ? L’oubli est il une forme de pardon ou de rancune ?
Merci pour vos billets très intéressants !
Tout ce qui nous « allège » et nous évite de ruminer les blessures subies est bénéfique. L’oubli n’est pas toujours possible, certaines traces demeurent en nous et ressurgissent parfois sans qu’on s’y attende. Il faudrait alors pouvoir les prendre en compte pour les surmonter… C’est un processus.
Bonjour Catherine, merci pour cet article très intéressant. Je pense qu’il n’est pas toujours facile de pardonner mais avec le temps on y arrive. Par contre, certains faits sont tellement graves qu’il est impossible de pardonner. Ça serait trop facile. Ce n’est pas une véritable rancune c’est juste qu’on a fait un trait sur cette personne et qu’elle ne mérite plus qu’on parle d’elle ni qu’on la côtoie. Ce serait trop perturbant. Et surtout Il n’y a aucune satisfaction personnelle à lui pardonner. Bien au contraire … Après chacun est différent mais c mon point de vue. Bonne soirée. Sandrine.
Comme le dit Stéphanie dans son commentaire, pardonner n’est pas excuser. Vous avez mille fois raison, il faut du temps, parfois beaucoup de temps ! Tirer un trait sur une personne qui nous a fait mal ne suffit hélas pas toujours, la douleur peut se raviver malgré soi. Le pardon est d’abord envers soi-même, comme se débarrasser d’une mue devenue trop petite. Ce pourrait être cela, la satisfaction personnelle…. merci de votre réflexion
Le pardon est un sujet délicat. Je pense être capable de pardonner à celui que me fait du mal mais plus difficilement à celui qui s’en prendrait à mes proches, le poids de notre culture judéo-chrétienne sans doute…
Bonne soirée bises
Merci Isabel pour ton retour, honnêtement, je crois que c’est toujours difficile, mais se libérer du poids de la rancune est tellement bénéfique !
Il est plus facile « d’offrir » son pardon quand notre offenseur se charge de réparer en premier.
Tout dépendra ensuite du degré de la souffrance infligée et du repentir exprimé.
Il y a donc évidemment une hiérarchie du Mal qui nous est fait.
Pour l’injure minime, il s’agit seulement d’un accroc fait à notre Ego ou amour propre. Parfois c’est tellement dérisoire que la rancœur disproportionnée en dit plus sur l’offensé que sur l’offenseur.
Dans les cas plus sérieux, si l’auteur nous ignore ou pire, nous efface d’un coup de gomme, il accroît l’affront, le ressentiment en nous niant doublement. Cela peut devenir alors dans notre esprit une plaie purulente et obsédante du présent qui nous maintient dans le passé. Et là ce n’est pas bon du tout …
Faut-il suivre Lao Tseu ?
« Si un jour quelqu’un te fait du mal, ne cherche pas à te venger, assieds-toi au bord de la rivière, et bientôt tu verras son cadavre passer. »
Sans tomber dans une joie mauvaise en voyant la chute de notre ennemi (ce ne serait pas chrétien !), Il ne faut pas se cacher qu’on éprouve une sorte de soulagement devant la preuve de la Justice du Destin. Il a eu ce qu’il méritait mais sans nous ou grâce à nous, allez savoir ! ?
Bref, pardonner à autrui est très difficile mais pas plus que de se pardonner à soi même quand on a fait ou ressenti de vilaines choses pour lesquelles on ressent du remords, cette morsure permanente de la conscience.
Merci pour avoir pris le temps de répondre si complètement. Que ce soit le remords ou la rancune, le préjudice est pour soi-même, avant tout. Et comme vous le dites si bien, pardonner ou se pardonner est également difficile. Encore une fois, pardonner n’est pas excuser, l’irréparable existe.
Merci Catherine, j’aime comme tu exposes ce sujet. Pour moi le pardon, c’est comme l’amour, ce n’est pas facile, ça se construit, et pour cela il faut vouloir construire. Au bout, ce n’est que du bonheur.
Comme tu le dis si bien, ça se construit et c’est avant tout une libération pour soi-même!
Belle soirée