Qui n’a pas ses petits mystères ? Personne ne dit tout, tout le temps. Heureusement, cela serait invivable et peu intéressant.
Inutile donc de culpabiliser pour nos petits arrangements avec la « vérité » pure et ….dure.
Mais jusqu’à quel point peut-on dissimuler ou adapter ?
Que faudrait-il dire absolument ou taire strictement ? Questions difficiles…
Peut-être commencer par se poser deux questions : qui est concerné ? est-ce utile que je le dise ? Ensuite peut venir la question du comment. Si on souhaite obtenir un conseil, on peut s’en ouvrir à un proche de confiance ou à un professionnel si c’est douloureux ou trop lourd.
A l’heure des réseaux sociaux, il peut sembler si facile d’afficher sa vie ou de suivre celle des autres. Ce système du « paraître » ne transmet cependant qu’une image réductrice ou modifiée de la réalité des personnes qui se livrent. Comment pourrait-il en être autrement ? C’est le propre de l’instantané, de l’image. Qu’il s’agisse d’une peinture ou d’une photographie, ou d’une autre forme de « représentation » elle ne reflète qu’un moment.
Les mots s’envolent….
Ce qui est vrai pour l’image, l’est d’autant plus pour les mots ! Notre perception, et ce qu’on en transmet, peut varier selon les circonstances et nos humeurs. Selon les moments et les personnes concernées.
Toute vérité n’est pas bonne à dire ? Certains adages vantent plutôt le silence, qui serait d’or et recommandent de tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler, on évoque aussi de pieux mensonges ou les flatteurs qui vivent au dépens de ceux qui les écoutent…
Pourquoi tant de retenue dans la sagesse populaire ? Sans doute sait-on depuis toujours que les mots peuvent blesser profondément, aussi prudence et retenue semblent demeurer de judicieux conseils.
Les écrits restent !
Cela change tout. On peut y revenir, relire, corriger, envoyer ou pas d’ailleurs, garder ou effacer. Même publier si on le souhaite et remplir nos bibliothèques des ouvrages que l’on aime et qui ont compté pour nous.
Relire l’Odyssée dans ses vieux jours,… se souvenir de nos classiques et de nos efforts, adolescents, pour percer les finesses de ces textes. Bien opaques alors et pourtant tellement modernes quant à notre humanité… Et tant d’autres ouvrages encore, qui accompagnent nos rêveries et réflexions. L’écriture, comme la lecture, peuvent être profondément libératrices.
Communiquer
Voilà sans doute l’essentiel et aussi le plus difficile entre humains. Ce qui blesse, bien souvent, ce sont les secrets ou les paroles qui tournent autour de la honte et de l’humiliation.

Lorsqu’on évoque un « secret de famille », on imagine souvent des horreurs et cela peut être le cas. Mais il peut aussi s’agir de secrets « honteux » pour une époque donnée et aujourd’hui parfaitement « anodins ». Comme les grossesses avant ou hors mariage, par exemple, ou simplement une adoption.
Le problème de ceux à qui on ment ou dissimule ces faits, provient de ce qu’ils le ressentent. Au fond d’eux, ils perçoivent que quelque chose cloche entre le discours et le vécu.
Pareillement pour les messages dévalorisants, à force de les entendre, on finit par les intégrer et douter de nos réelles capacités. Ce qui fait souffrir c’est ce doute : « est-ce vrai ? est-ce juste ? »
Chacun de nous est sensible aux messages qui lui sont transmis, verbaux ou non verbaux. Les enfants encore davantage car ils sont en « construction » et dépendent des adultes qui s’occupent de leur éducation.
Les « secrets » ou non-dits, qui nous concernent, prennent aussi la forme d’un message. Je parle ici des secrets autour de faits qui concerne une personne à qui on les dissimule ou pour qui on les modifie. C’est une nuance importante par rapport à un « secret » qui concerne des autres protagonistes et qui, par conséquent, ne nous touche pas forcément.

Messages délicats
Si les « histoires » de familles peuvent s’estomper avec le temps, il n’en va pas de même avec les hontes cachées qui elles, se transmettent d’une manière ou d’une autre et sont portées, encore longtemps par les descendants des protagonistes, souvent à leur insu de l’histoire d’origine. Il semble donc judicieux d’essayer d’avoir des messages clairs et vrais vis à vis de nos proches.
Pour transmettre un message délicat, mieux vaut
- choisir un moment propice
- adapter votre discours à l’âge et aux questions de l’enfant ou de votre interlocuteur
- parler à la première personne
- éviter les excuses, les embellissements, le jugement d’autres que soi
- ne pas essayer de se justifier, rester sur les faits
- respecter la réaction de votre interlocuteur et lui laisser la possibilité de reprendre le sujet ultérieurement.
Un exemple : votre enfant est né par PMA avec don de sperme. Faut-il lui dire ? Quand ? Comment ? Cette situation n’est plus rare de nos jours et il existe des ouvrages susceptibles de vous aider. Les questions du jeune enfant sont aussi propices à commencer à lui dire SA vérité très tôt. Il est préférable de grandir en intégrant peu à peu des éléments sur ses origines que de recevoir la »révélation » d’un seul coup, après des années de non dits.
Un autre exemple peut concerner un de vos choix : séparation, parentalité en solo, avortement, changement de partenaire…. S’il n’est pas utile d’expliquer toute la situation, surtout si l’enfant est jeune, il peut être préjudiciable de lui raconter des « mensonges » et surtout, n’esquivez pas lorsqu’en grandissant, il revisitera son souvenir de ces moments…..et reviendra vous en parler.
Ce qu’on ne nous a pas dit….
Parfois, on n’a pas eu le temps de poser nos questions ou alors, on n’a pas obtenu de réponses. Je pense à une de mes amies, née pendant l’occupation d’une jeune fille de quinze ans et, probablement d’un soldat allemand. Amour ? Viol ? On lui a fait croire que sa mère était sa sœur et san grand mère leur mère à toutes les deux, pendant des années. Une bonne âme s’est chargée de lui révélé qui était sa mère. Mais sur les circonstances de sa naissance, mère et grand-mère ont gardé le silence. Ces questions sans réponses ont impacté sa vie et celle de sa propre fille, qui n’a pas osé avoir d’enfant, malgré son désir…. Ce secret comme un »interdit ».
Le droit d’oublier….
Pour renouer le fil de son histoire, et surtout faire la paix avec certains épisodes flous de celle de notre famille, il faut aussi se souvenir de nos imperfections. Tout n’est pas pardonnable, mais on peut s’offrir alors le droit d’être autrement, différent. Sur le chemin d’apaisement, un soutien thérapeutique peut être utile et bienfaisant. N’hésitez pas à demander de l’aide.

Au plaisir de lire vos réflexions sur ce sujet.
Votre texte me parle tellement.
J’ai été confrontée à un « non dit » que j’ai du expliquer un beau jour par hasard à mes enfants. Heureusement malgré le choc de la révélation, tout s’est bien passé par la suite .
Mais avec le temps je me dis que j’aurais du le leur dire plus tôt.
Même si ce n’est pas honteux certaines vérités ne sont pas faciles à révéler car on craint la réaction et surtout on a peur de blesser.
Merci pour vos réflexions qui nous ramènent chacun (e) à notre vécu.
Bon week-end Catherine !
Contente de lire que cela s’est bien résolu pour vous Jany, et bravo pour le courage, car il en faut.
Vous sentez vous soulagée maintenant que c’est dit ?
Oui tout le monde est apaisé !
tant mieux, c’est apaisant.
Merci pour ces mots Catherine. Les secrets de famille sont parfois dur à porter et nous pouvons tous y être confrontés un jour ou l’autre. Quand aux petits secrets, je suis d’accord qu’il faut les taire parfois pour ne pas blesser et faire du mal. Il faut également apprendre à se protéger et cela passe aussi par des silences. Pour ce qui concerne la parentalité je pense que nous devons la vérité aux enfants. J’imagine qu’apprendre qu’un parent qui vous a élevé n’est pas votre père ou votre mère doit être une épreuve pour un enfant et il faut le dire le plus tôt possible. Je ne suis pas une spécialiste mais il me semble que l’enfant a le droit de connaître ses origines qu’elles qu’elles soient. A très vite
Merci Corinne pour ton retour.Je partage ton avis pour les enfants et je prépare un autre article sur le sujet des « origines »…
Peut-être pour noël où nous fêtons une naissance somme toute assez mystérieuse, non ?
Bonjour Catherine, un sujet très intéressant. Je pense que certaines vérités sont difficiles à avouer. on a souvent peur de blesser, de la réaction et des conséquences de notre révélation. se taire c’est aussi se protéger du regard et du jugement des autres. Il faut donc un certain courage pour enfin parler. Cela peut être très douloureux mais ensuite c’est également un soulagement. Il y a un moment pour tout et quand on est prêt il faut se libérer.
Comme toi, je pense en effet qu’il faut du courage et trouver le moment qui convient. J’ai souvent vu en consultation que la sensation de libération que tu évoques est à double sens… autant pour celui ou celle qui révèle que pour celui ou celle qui est informé.
Merci Catherine pour aborder ce sujet si profond. Il y a plusieurs secrets en effet et en tant que thérapeute, j’observe tous les jours leur poids inconscient et conscient sur les choix, le corps également. Lorsque le secret concerne un danger pour autrui, il est nécessaire de le révéler comme apprendre qu’un enfant est maltraité violé ou racketté. Ensuite la justice vérifie la véracité. Pour un secret qui concerne un événement du passé, la révélation brutale est une violence qui peut causer plus de dégâts. Si la personne concernée cherche des réponses et fouille l’histoire de sa famille c’est que probablement elle a un savoir inconscient mais pas la connaissance des faits. En règle générale, répondre à l’autre en fonction de son âge et peut-être par une autre question pour voir ce que l’autre cherche. C’est porter un secret comme une injonction qui est tellement lourd car il engendre un poids immense et une culpabilité dans tous les cas. Chaque histoire singulière montre que la vérité devient notre vérité celle qui permet de donner un sens à notre vie.
Comme thérapeute pratiquant le plus souvent avec des enfants et leur famille, je suis toujours attristée de vérifier à quel point les non-dits sont perçus par mes jeunes patients et malheureusement je constate l’énergie qu’ils y perdent, au détriment de leur évolution personnelle. C’est aussi pour cela que je pose toujours la question « qui est concerné ? » car les adultes perçoivent, à tort souvent, l’enfance comme une période « d’inconscience » à protéger, alors que les enfants, dès leur plus jeune âge, ont des perceptions et des besoins d’informations.
Bonjour Catherine,
Merci pour cet article qui nous fait prendre conscience des « non dits », des secrets et des conséquences parfois très douloureuses qu’ils peuvent causer. De part mon expérience personnelle, je remarque que l’inconscient le sait, le sent et qu’un avenir peut être gâcher par ces mystères. Mais il paraît que toute vérité n’est pas forcément bonne à dire afin de protéger l’autre. Un exemple: ma Maman a été atteinte d’un cancer du sein (hormono dépendant) et elle nous l’a dit plus tard car elle ne voulait pas nous inquiéter. On veut toujours protéger ceux qu’on aime mais je pense toutefois qu’il y a des choses qui ne doivent pas être cachées. Quand je vais mal je ne le dis à personne, je souris, je vis comme si tout allait bien mais mon intérieur est rongé par un mal être sans fin ……
Merci Marie-Jeanne pour ce retour sincère, vous avez mis un mot important, l’envie de protéger, de ne pas inquiéter…C’est naturel et presque universel, cependant, c’est aussi une forme de manque de confiance dans la capacité de l’autre à surmonter.
Protéger et garder certaines vérités « cachées » demande tellement d’énergie…
Bonjour Catherine! Merci pour cet article, j’aime beaucoup ta façon d’aborder ce sujet, c’est à la fois clair, subtil et utile. Je vais le partager à une personne que je connais qui est convaincue qu’il faut toujours tout dire et qui a tendance à ne pas choisir ses moments pour dire, pensant que la vérité sous n’importe qu’elle forme et à n’importe quel moment a légitimité à être dite et doit être écoutée et acceptée. Ce qui fait beaucoup souffrir son entourage, et je crois aussi lui-même car cela finit souvent mal pour tout le monde… 😉 Bon dimanche!
oh…. je n’avais pas vu ton commentaire, navrée. Merci pour le compliment et au plaisir de te lire bientôt
Pas de souci !! A bientôt Catherine 😉